Le 4 novembre 2025, la plus grande ville des États-Unis a tourné une page de son histoire. À 34 ans, Zohran Kwame Mamdani a été élu maire de New York, devenant le premier maire musulman, le premier Sud-Asiatique et le plus jeune dirigeant de la métropole depuis plus d’un siècle.
Sa victoire, saluée comme une percée historique, résonne bien au-delà des frontières américaines : elle marque la montée d’une nouvelle génération de responsables politiques, porteurs d’un projet social audacieux face à un establishment ébranlé.
Un parcours atypique, entre continents et convictions
Né en 1991 à Kampala, en Ouganda, Zohran Mamdani porte déjà en lui une géographie du monde. Fils du politologue ougando-indien Mahmood Mamdani et de la cinéaste Mira Nair, il grandit en Afrique du Sud avant de rejoindre New York à l’âge de sept ans.
Diplômé d’économie et de sciences politiques, il se fait d’abord connaître comme travailleur social et militant communautaire dans le Queens, avant d’être élu à l’Assemblée de l’État de New York en 2021 sous la bannière démocrate.

Socialiste démocrate revendiqué, Mamdani s’impose alors comme l’une des figures montantes du courant progressiste américain, aux côtés d’Alexandria Ocasio-Cortez et Cori Bush. Sa campagne municipale, lancée en 2024, s’est appuyée sur une stratégie simple : aller chercher les voix des oubliés de la prospérité new-yorkaise.
Une victoire contre l’establishment
La conquête de l’hôtel de ville n’était pas acquise. Pour y parvenir, Mamdani a d’abord dû battre Andrew Cuomo, ancien gouverneur de l’État, lors de la primaire démocrate de juin 2025 un séisme politique. Puis, en novembre, il l’emporte largement face au républicain Curtis Sliwa.
Ses équipes, composées de jeunes bénévoles, ont mené une campagne de terrain sans budget démesuré : porte-à-porte, réunions publiques et mobilisation des quartiers populaires du Queens, du Bronx et de Brooklyn.

« Cette victoire n’est pas la mienne : c’est celle des travailleurs, des familles qui n’ont plus les moyens de vivre dans leur propre ville », a déclaré Mamdani lors de son discours de victoire à Harlem.
Avec un taux de participation record pour une élection municipale (57 %), l’élection de Mamdani signe aussi un tournant générationnel : New York choisit un maire de 34 ans, après des décennies dominées par des figures plus traditionnelles.
“Turn the volume up” — le défi lancé à Trump
Quelques heures après son élection, Mamdani a adressé un message clair à Donald Trump, probable candidat républicain à la présidentielle de 2026.
“Turn the volume up,” a-t-il lancé, invitant l’ancien président à « entendre le son d’une autre Amérique ».
Ce ton direct symbolise la fracture politique actuelle : entre un pouvoir fédéral conservateur en reconstruction et des métropoles qui se revendiquent progressistes, durables et inclusives.

Trump a déjà laissé entendre qu’il pourrait réduire les financements fédéraux aux villes « trop idéologiques ». Mamdani, lui, annonce vouloir défendre New York comme un bastion de résistance sociale et environnementale.
Une feuille de route ambitieuse
Le nouveau maire veut transformer la ville autour de trois priorités :
- Le logement abordable – gel des loyers sur cinq ans, création d’une agence publique de construction et de réhabilitation.
- Les transports gratuits – lancement d’un projet pilote de gratuité partielle dans les quartiers périphériques dès 2026.
- La justice sociale – taxation des grandes propriétés inoccupées, extension du salaire minimum à 20 USD de l’heure, et renforcement des services publics locaux.

Son ambition : faire de New York un modèle d’économie urbaine plus équitable et plus écologique, inspirée des métropoles européennes.
Une portée mondiale
La victoire de Zohran Mamdani dépasse les enjeux municipaux. Elle témoigne d’un basculement générationnel et identitaire aux États-Unis : celui d’une société urbaine, métissée et politisée, face à une Amérique plus conservatrice.
De Kampala à Queens, son histoire relie trois continents et incarne une globalisation politique en marche où les fils de migrants deviennent les bâtisseurs des grandes villes de demain.
“Mon élection ne prouve pas que tout est accompli,” a-t-il dit. “Elle prouve seulement que le possible a changé.”
Une épreuve à venir
Les défis seront nombreux : crise du logement, dettes municipales, inégalités criantes, montée de la criminalité. Mamdani devra prouver que son idéalisme peut survivre à la réalité du pouvoir.
Mais à l’heure où les villes cherchent de nouveaux modèles, son ascension symbolise une réponse politique à la désillusion.
Dans les rues de New York, son visage s’affiche déjà sur les journaux ; dans les couloirs du pouvoir, son nom circule comme celui d’une nouvelle voix de la gauche mondiale.


