La scène artistique suédoise est en effervescence depuis qu’un objet hors du commun s’avance dans les rues de la capitale. Une sculpture massive en granit, taillée en forme de phallus, a été transportée, il y a peu, à travers le centre de Stockholm pour être exposée au Galleri Tegnérlunden.
L’œuvre, qui pèse 765 kilos, appartenant au galeriste Marcus Skinnar, suscite autant la curiosité que la controverse.
Origine : entre chine et symbolisme
L’histoire commence il y a plus de vingt ans, en Chine. Skinnar, alors actif dans l’industrie de la pierre, fait l’acquisition de cette pièce pour un prix modeste c’était une commande faite pour une commune japonaise, mais jamais retirée.
La sculpture représente une symbolique fallique japonaise, traditionnellement associée à des rites de fertilité, à la protection et aux croyances culturelles ou religieuses. Skinnar mentionne que la pièce, restée stockée pendant toutes ces années, lui a servi de repère personnel un signe que « ce n’était pas fini », même après des revers professionnels.

La magnificence du granit
Le matériau n’est pas anodin. Le granit, robuste, résistant aux intempéries, aux chocs du temps, confère à la sculpture une présence imposante et durable. Skinnar va jusqu’à dire que même après un âge géologique, cet objet pourrait rester l’un des rares vestiges visibles de notre époque.
Une exposition qui s’annonce marquante
La sculpture devrait être officiellement dévoilée à Galleri Tegnérlunden à la fin du mois d’octobre, dans le cadre d’une exposition thématique intitulée « Erotik och Romantik » (Érotisme et Romantisme).
Skinnar en propose la vente au prix de 700 000 couronnes suédoises (≈ 60-70 000 € selon les taux actuels), et précise qu’il y a déjà eu des propositions d’achat.

Entre art, provocation, et débat
Naturellement, l’objet ne laisse pas indifférent. Certains habitants de Stockholm ont été surpris voire choqués en voyant la sculpture transportée en pleine rue. Mais Skinnar se défend : ce n’est pas de la pornographie, assure-t-il, mais de l’art une célébration symbolique, culturelle, esthétique.
Il note aussi que, paradoxalement, la nudité féminine est régulièrement représentée dans l’art sans générer le même malaise que la représentation explicite d’un pénis. Cela met en lumière des tabous sociétaux, des normes implicites qui régissent ce qui est “acceptable” dans l’art selon le genre du corps représenté.
Ce que cette œuvre nous dit
- Sur le temps : Gardée dans l’ombre, la sculpture sort de l’oubli, comme si le temps avait attendue la bonne occasion. Elle symbolise la résilience, le fait que des idées ou des objets potentiellement ostracisés peuvent attendre et renaître.
- Sur la symbolique sexuelle : En plaçant un symbole fallique au centre, Skinnar pose des questions sur ce que la société considère comme scandaleux, sur la différence entre sexualité, érotisme et pornographie, et sur la différence de traitement selon le corps représenté.
- Sur la pérennité de l’art : En choisissant le granit, extrêmement durable, Skinnar met l’accent sur la permanence non seulement du corps idéalisé, mais du trait culturel, du souvenir. Une œuvre qui “reste quand tout le reste se délite”.

À quoi s’attendre
L’exposition Érotik & Romantik aura certainement des moments médiatiques forts. On peut s’attendre à :
- Des réactions publiques variées enthousiasme, amusement, malaise, indignation.
- Des débats dans les médias, peut-être des discussions autour de la décence, de l’espace public, du droit à l’offense artistique.
- Une éventuelle vente, si l’un des acheteurs potentiels juge que l’objet correspond à ses goûts, ou à ses convictions.
- Un impact sur la scène artistique locale : l’œuvre pourrait devenir une référence pour les discussions sur la représentation du corps, l’éros dans l’art, la frontière entre provocation et expression.
Cette “granite penis” (pour reprendre la manière dont les médias la décrivent) n’est pas seulement une curiosité provocatrice : elle interroge. Elle met au jour nos tabous, nos définitions fluctuantes de l’art et du bon goût, la place du corps dans l’espace public. Elle interroge aussi sur ce que nous voulons léguer : une sculpture en granit capable de défier les siècles, ou des images qui s’évanouissent avec la mode.
Dans un paysage artistique qui aime parfois la prudence, faire lever une pierre de près d’une tonne pour la montrer telle quelle, voilà un acte courageux artistique, politique, existentiel.


