Le gouvernement suédois a présenté une nouvelle stratégie décennale visant à renforcer la lutte contre la résistance aux antimicrobiens (RAM), considérée comme l’une des plus graves menaces sanitaires mondiales.
Cette feuille de route fixe des objectifs précis pour les dix prochaines années afin de réduire la mortalité, protéger la santé humaine et animale, et consolider l’approche suédoise dans un contexte où les bactéries résistantes traversent facilement les frontières.
Selon le ministre social Jakob Forssmed, l’enjeu dépasse largement le cadre du système de santé :
« Nous sommes confrontés à l’une des menaces les plus grandes et les plus sous-estimées de notre époque, avec d’énormes conséquences pour la santé et les soins de santé si nous n’agissons pas vigoureusement et collectivement. La Suède a généralement un faible niveau de résistance aux antibiotiques, mais nous ne pouvons pas nous pencher en arrière. »

Malgré de bons résultats nationaux, la Suède souligne la nature transfrontalière du phénomène et insiste sur la nécessité d’une action coordonnée. La stratégie met en avant plusieurs priorités : une utilisation plus ciblée des antibiotiques, le renforcement de la surveillance, le soutien à la recherche et au développement de nouveaux traitements, ainsi qu’une coopération accrue avec les organisations internationales engagées dans la lutte contre la RAM.
Pour le ministre Forssmed, l’objectif est clair :
« Avec la nouvelle stratégie, nous fixons des objectifs clairs et opportuns pour protéger la santé des humains et des animaux. »
La Suède souhaite ainsi jouer un rôle moteur dans la réalisation des objectifs mondiaux de réduction de la mortalité liée à la résistance antimicrobienne, tout en montrant l’exemple d’un pays qui agit avant d’être dépassé par la menace.
Qu’est-ce que la résistance antimicrobienne (RAM) ?
- La résistance antimicrobienne (AMR) désigne la capacité de microbes (bactéries, virus, champignons, etc.) à devenir insensibles aux traitements (antibiotiques, antiviraux…).
- En Suède, l’approche adoptée est le “One Health” : cela signifie que l’effort ne concerne pas seulement les êtres humains, mais aussi les animaux, l’alimentation et l’environnement.
- Si on ne freine pas la RAM, cela pourrait rendre intraitables des infections autrement banales (par exemple, pneumonies, infections urinaires), et menacer des secteurs médicaux comme la chirurgie ou les soins du cancer.
L’un des moyens clés : limiter l’usage des antibiotiques (“utilisation responsable”), renforcer la surveillance (savoir où la résistance apparaît), et investir dans la recherche (nouveaux traitements, diagnostics…).
Principaux défis de la Suède dans la lutte contre la RAM
- Surveillance insuffisante dans certains domaines
- Bien que la Suède dispose d’un bon système de suivi (“Swedres-Svarm”), l’ECDC a souligné un manque de données systématiques “actionnables” sur les infections nosocomiales (acquises à l’hôpital).
- Dans le secteur environnemental, il y a un manque de cadre structuré pour surveiller les résistances dans les eaux usées, les gènes de résistance et les antimicrobiens dans l’environnement.
- Ressources vétérinaires et formation
- L’ECDC signale des inquiétudes concernant la disponibilité des vétérinaires et la formation : tous ne seraient pas suffisamment formés aux bonnes pratiques de prescription d’antibiotiques selon le modèle suédois.
- Il y a aussi des difficultés à mettre en place des contrôles vétérinaires réguliers, ce qui complique le bon suivi de l’usage des antimicrobiens dans les élevages.
- Stigmatisation et manque de compréhension
- Dans des cas comme le MRSA (bactérie résistante), il y a eu des problèmes de stigmatisation : certains patients ou institutions ne comprenaient pas bien ce qu’implique “être porteur”, ce qui complique la communication et la prévention.
- Le risque est que des mesures de contrôle ou de prévention soient mal adoptées à cause de peurs ou de malentendus, notamment dans les milieux scolaires ou communautaires.
- Stabilité des efforts à long terme
- La stratégie nationale actuelle arrive à son échéance en 2025. L’ECDC note que le renouvellement et la mise à jour de la stratégie sont cruciaux pour que les progrès ne stagnent pas.
- Il faut maintenir l’engagement politique, les financements et la coordination intersectorielle (“One Health”) pour éviter que l’attention à la RAM retombe. Le mécanisme coordonnateur “Intersectoral Coordinating Mechanism” joue un rôle clé, mais il doit rester bien soutenu.
- Pressions économiques et accès aux nouveaux antibiotiques
- Le faible marché suédois peut rendre peu rentable l’introduction de nouveaux antibiotiques, ce qui limite l’accès à des traitements innovants. (C’est un défi courant : peu de profits pour les laboratoires, ce qui freine l’innovation et la disponibilité locales.)
- Assurer l’accès aux antibiotiques tout en favorisant leur usage responsable est un équilibre difficile à maintenir. Le gouvernement suédois souligne le coût économique de la résistance.
- Connexion entre recherche nationale et efforts globaux
- Même si la Suède joue un rôle actif dans des collaborations internationales comme le partenariat EUP OHAMR (53 organisations, 30 pays) pour la recherche AMR, il reste un défi de transformer la recherche en actions concrètes sur le terrain.
- Il faut aussi garantir que les résultats de la recherche se traduisent dans les politiques nationales, la surveillance et l’application pratique des mesures de contrôle.
- Adoption locale des démarches “saines”
- Le projet “Antibiotic-Smart Sweden”, qui aide les municipalités, les écoles, les maisons de retraite, etc., à devenir “antibiotique-smart”, doit encore se généraliser. Certaines structures peuvent manquer de ressources ou de motivation pour mettre en place tous les critères.
- Il faut aussi renforcer l’éducation / la sensibilisation au niveau local pour que les initiatives de prévention des infections deviennent des pratiques standard.


