De Stockholm à Copenhague, la recherche scandinave multiplie les avancées : nouveaux espoirs thérapeutiques pour des cancers pédiatriques, découvertes sur la formation des planètes, observations écologiques alarmantes et, côté sciences humaines et numériques, l’ouverture d’un immense corpus histoque. Ce dossier rassemble et développe, en un seul texte, les informations et chiffres clefs rendus publics ces dernières semaines.
Un nouvel espoir contre certains cancers de l’enfant (Uppsala, septembre 2025)
Des chercheurs du département Immunology, Genetics and Pathology de l’Université d’Uppsala annoncent avoir identifié une nouvelle molécule susceptible de freiner la progression de deux tumeurs pédiatriques graves : le neuroblastome et le méningoblastome. Les résultats, rendus publics en septembre 2025, proviennent d’études précliniques cultures cellulaires et modèles animaux et montrent que ce composé interfère avec des voies biologiques essentielles à la survie des cellules tumorales.
Les auteurs insistent sur la prudence : il s’agit d’une « étape prometteuse » mais encore expérimentale. Les prochaines phases consistent à affiner la molécule, vérifier sa sécurité et envisager des essais cliniques. Pour des cancers pédiatriques où les options thérapeutiques restent limitées, une molécule capable de cibler spécifiquement la biologie tumorale représenterait un progrès réel — à la fois pour l’efficacité et pour la réduction des effets secondaires chez de jeunes patients.
Si la voie aboutit, on pourrait voir, à moyen terme, de nouveaux protocoles intégrant ce composé en complément des traitements existants (chirurgie, chimiothérapie, radiothérapie), avec un suivi étroit sur la tolérance et l’efficacité.
Un disque protoplanétaire riche en CO₂ : quelles conséquences pour la formation des atmosphères ? (Stockholm, septembre 2025)
Une équipe d’astronomes de l’Université de Stockholm, dirigée par Jenny Frediani, publie en septembre 2025 l’observation d’un disque protoplanétaire autour d’une étoile jeune présentant une concentration atypiquement élevée de dioxyde de carbone (CO₂) dans la zone où les planètes rocheuses peuvent se former.
Ce constat bouscule des hypothèses établies : la composition chimique du disque au moment de l’agrégation des corps rocheux est un facteur déterminant de la nature des atmosphères primitives des futures planètes. Un environnement riche en CO₂ pourrait favoriser, selon les chercheurs, des atmosphères initiales plus denses et acides — avec des conséquences directes sur la composition chimique de surface, la présence d’eau à l’état liquide, et donc la potentialité d’habitabilité.
Pourquoi c’est important : comprendre la chimie des “berceaux” planétaires aide les astronomes à mieux interpréter les caractéristiques observées chez les exoplanètes et à affiner les recherches de mondes susceptibles d’abriter de la vie. Le résultat appelle à multiplier les observations et à modéliser l’impact d’un excès de CO₂ sur la formation et l’évolution d’atmosphères planétaires.
Forêts attaquées par le dendroctone : un réchauffement local jusqu’à +2 °C (Stockholm, étude 2025)
La santé des forêts scandinaves est au cœur d’une étude conduite à Stockholm : les attaques massives du dendroctone de l’épinette provoquent une modification notable du microclimat local. Les chercheurs notent que, dans les zones où les épicéas ont été sévèrement affectés, la température au sol peut augmenter de près de 2 °C lors des journées d’été.
Mécanisme : la perte de masse foliaire et la mort des conifères entraînent une plus grande exposition au rayonnement solaire et une perte de l’effet d’ombrage et d’évapotranspiration, deux facteurs qui tempèrent normalement la température. L’étude met aussi en lumière le rôle bénéfique des arbres feuillus qui, mêlés aux conifères, réduisent l’amplitude thermique et augmentent la résilience des massifs forestiers.
Conséquences pratiques : ces variations locales de température ont des effets en cascade accélération de la dégradation des sols, modification des habitats d’espèces animales, augmentation des risques d’incendie et des stress hydriques. Les auteurs recommandent d’intégrer davantage la diversité d’essences dans les plans de gestion forestière et de renforcer la surveillance entomologique.
ENO — Enevældens Nyheder Online : 474 millions de mots pour revisiter l’Europe nordique (1660–1849)
La nouveauté peut sembler moins spectaculaire que les percées biomédicales ou astrophysiques, mais sa portée est considérable : le projet Enevældens Nyheder Online (ENO) met à disposition un corpus numérique massif de journaux publiés entre 1660 et 1849, période dite de l’absolutisme au Danemark-Norvège. Le corpus regroupe environ 474 millions de mots et près de 550 000 pages numérisées, traitées par des technologies de reconnaissance optique de caractères (OCR) renforcées par des modèles neuronaux.
Méthode et qualité
- Les images originales, issues de microfilms anciens, ont été retravaillées par des modèles conçus pour les typographies historiques (Fraktur, vieux danois, etc.).
- Le jeu de données est assorti d’un indicateur de qualité — PWA (Predicted Word Accuracy) — qui permet aux chercheurs d’évaluer la fiabilité des transcriptions pour chaque document.
- Le corpus est distribué sous licence CC BY-SA 4.0, et est accessible via des plateformes de recherche et d’expérimentation de langage (par exemple des dépôts de données open source).
Usages et perspectives
Pour les historiens, c’est une fenêtre inédite sur la vie politique, économique et culturelle aux XVIIᵉ–XIXᵉ siècles : éditori
aux, annonces, récits locaux et informatifs deviennent consultables et interrogeables à grande échelle. Pour les linguistes, le corpus est une mine pour étudier l’évolution orthographique, la diffusion des néologismes et la diversité dialectale. Enfin, pour les spécialistes en IA et en traitement automatique des langues, ENO constitue un jeu d’entraînement précieux pour améliorer l’OCR historique, entraîner des modèles de langue spécialisés et créer des outils qui rendent le patrimoine imprimé plus accessible.
Limites et défis
La qualité inégale des microfilms, les variantes orthographiques anciennes et les coupures éditoriales imposent une prudence méthodologique : malgré les progrès des modèles, certaines portions du corpus restent fragiles sur le plan de la fidélité de transcription. Les auteurs du projet encouragent une utilisation critique des données et la combinaison de méthodes automatiques avec une expertise humaine pour les analyses à haute valeur historique
Pourquoi ces quatre fils convergent
Bien qu’elles appartiennent à des domaines différents — médecine, astronomie, écologie, sciences humaines numériques — ces avancées ont en commun plusieurs traits :
- Multidisciplinarité : la recherche moderne croise méthodes et données (biochimie et imagerie, spectroscopie astronomique et modélisation, écologie et climat, IA et philologie).
- Données massives et modèles : l’usage de modèles neuronaux (en astronomie, en OCR, en biologie computationnelle) accélère des découvertes et la mise à disposition de nouvelles ressources.
- Applications sociétales : des traitements contre le cancer aux stratégies de gestion forestière, en passant par la préservation du patrimoine culturel, la science influe directement sur les politiques publiques et la vie quotidienne
En conclusion
La Scandinavie, malgré sa taille relativement modeste, demeure un foyer de recherche actif et diversifié. Les avancées récentes montrent combien les laboratoires et centres de recherche nordiques allient excellence scientifique et souci d’applicabilité — qu’il s’agisse d’un nouveau composé pour des cancers infantiles, de la compréhension des processus qui façonnent les atmosphères planétaires, de la gestion durable des forêts ou de la mise à disposition d’un trésor documentaire de près d’un demi-milliard de mots. Chacune de ces lignes de recherche invite à suivre, de près, les publications et les suites expérimentales qui en découleront.
Sources principales consultées (sélection)
- Université d’Uppsala — département Immunology, Genetics and Pathology (annonces et communiqués, septembre 2025).
- Stockholm University — département d’astronomie (publication de l’équipe de Jenny Frediani, septembre 2025)
- Stockholm University — études écologiques sur le dendroctone (2025).
- Projet Enevældens Nyheder Online / arXiv et dépôt de données (introduction, méthode, corpus — 1660–1849, ~474 millions de mots).
- Documentation technique et métadonnées disponibles sur des dépôts open data (Hugging Face) et archives universitaires.