Alors que plusieurs pays européens resserrent leurs politiques migratoires, le gouvernement britannique adopte à son tour une ligne plus stricte en matière d’asile. Le Premier ministre Keir Starmer s’inspire explicitement du modèle danois, devenu une référence parfois controversée en Europe pour son approche restrictive.
Le Danemark, un modèle paradoxal : rigueur portée par la gauche
Contrairement à la plupart des pays où ces mesures sont défendues par la droite, c’est au Danemark, pays traditionnellement social-démocrate, que le durcissement a été le plus marqué. Depuis la crise des réfugiés de 2015, les gouvernements successifs ont multiplié les mesures destinées à dissuader l’arrivée de nouveaux demandeurs d’asile, tout en continuant d’accueillir des migrants en situation régulière.
L’ancien Premier ministre Lars Løkke Rasmussen, aujourd’hui ministre des Affaires étrangères, résume la logique :
« Le monde n’est pas noir ou blanc. Il est complexe et nuancé. Il faut une approche équilibrée. »
Des mesures dissuasives et un résultat visible
Le Danemark a instauré une série de mesures devenues emblématiques :
- procédures plus strictes pour un titre de séjour permanent,
- menace (surtout symbolique) de confisquer les objets de valeur des demandeurs d’asile,
- hébergement dans des centres isolés aux conditions minimales.
L’un d’eux, le centre de retour d’Avnstrup, accueille les migrants en attente d’une décision ou déboutés mais non expulsables. Pour certains résidents, ces conditions s’apparentent à une pression permanente.
Marie Brianson, 61 ans, Turque, y vit depuis 2019 : sans ressources ni droit au travail, elle doit pointer deux fois par jour. Elle décrit une « prison à ciel ouvert ». Pourtant, elle refuse de repartir : son fils de 15 ans a grandi au Danemark et elle craint des représailles en Turquie.
Ce type de situation illustre les limites de la stratégie danoise : malgré les mesures dissuasives, des personnes vulnérables restent déterminées à demander protection.
Un coût humain et social pointé par les experts
Selon Michala Clante Bendixen, responsable de Refugees Welcome Denmark, ces politiques créent une
« atmosphère constante de stress et d’insécurité ».
D’autres spécialistes alertent sur les effets à long terme : la perception d’un pays « froid » ou « hostile » pourrait toucher non seulement les demandeurs d’asile, mais aussi les migrants réguliers et leurs enfants.
Le professeur Thomas Gammeltoft-Hansen parle ainsi d’une
« image de pays peu accueillant ».
Un modèle vraiment efficace ?
Les chiffres montrent une forte baisse des demandes d’asile :
- 21 000 demandes en 2015,
- un peu plus de 2 000 l’an dernier (Eurostat),
plaçant le Danemark parmi les pays de l’UE qui reçoivent le moins de requêtes.
L’interprétation reste toutefois délicate : les demandes diminuent partout en Europe, compliquant l’évaluation de la seule politique danoise.
Une stratégie dont Londres veut s’inspirer
Le Royaume-Uni suit désormais cette voie. Le gouvernement Starmer a présenté un plan reprenant des éléments danois, notamment la volonté de « maîtriser les flux » pour préserver les services publics.
Mais l’expérience danoise laisse entrevoir une réalité plus complexe : si les mesures peuvent réduire les arrivées, elles comportent un coût humain, social et politique.
Comme le résume Rasmussen :
« Il faut être à la fois ouverts et fermés. Si nous échouons, nous perdrons le soutien de la population. »


