En raison des violences post-électorales, l’économie est quasiment à l’arrêt et les milieux économiques commencent à s’inquiéter.
La présidentielle du 12 octobre 2025 au Cameroun a rendu sa copie. Le président Paul Biya, 92 ans et candidat à sa propre succession a été reconduit à la tête de l’état pour un nouveau mandat de 7 ans. Le huitième et « le mandat de trop » si l’on s’en tient à la crise qui touche diverses villes du pays. A Garoua, Maroua, Douala, Bertoua, Dschang, Bafoussam de nombreux heurts et contestations ont éclaté depuis l’annonce des résultats le 27 octobre 2025 par le Conseil Constitutionnel. Sous le prétexte de marches pacifiques pour « le changement », des hordes de manifestants s’en prennent aux stations-services et commerces qu’ils vandalisent et pillent.
Á Yaoundé, malgré les assurances du gouvernement et la sécurisation de la ville, les populations vivent une véritable psychose. De nombreux commerces sont fermés, les ruelles à l’habitude bondées sont calmes. Les marchés sont déserts et certains supermarchés sont restés fermer. L’économie tourne au ralenti. « Nous avons peur pour notre vie mais surtout la peur d’être vandaliser. Nous avons investi de notre temps et de notre argent dance ce business, c’est toute notre vie qui est ici dans ces quatre murs, c’est l’avenir de nos enfants, leur pain quotidien que nous protégeons », explique Mathieu Ottou, commerçant au marché centrale de Yaoundé.

Au marché Mokolo, Mvog-Mbi, Mfoundi à Yaoundé, le cliché est le même. Les comptoirs et étals sont fermés. Les allées souvent noires de mondes sont vides. Sur des milliers de commerçantes qui investissent habituellement les lieux, seules une vingtaine de « courageux » proposent des vivres aux clientes. « J’ai peur mais je dois aussi nourrir mes enfants. Les temps sont mauvais mais nous n’avons pas le choix », confie Amandite commerçante au marché du Mfoundi à Yaoundé. Une situation qui impacte les ménages mais aussi les opérateurs économiques.
S’agissant d’opérateurs économiques, dans une note publiée le 28 octobre 2025, le groupement des professionnels du pétrole (GPP), rappelle que la récurrence des actes « irresponsables », couterait à plus 10.000 jeunes camerounais leurs emplois et près de 250 milliards de Fcfa d’impôts au gouvernement. « Toutes les sociétés de distributions de produits pétroliers en activité au Cameroun, sont des sociétés de droit camerounais. A ce titre, elles créent de la richesse au Cameroun, laquelle profite en premier au peuple camerounais », peut-on lire sur ledit communiqué.
Vincent Nguetchouang, tenancier d’une boulangerie au quartier Ngousso à Yaoundé, lui parle presque « de faillite ». Le quarantenaire explique avoir perdu tout son capital en juste deux jours. « Je faisais des recettes journalières de plus de 700000 Fcfa. Hier par exemple je n’ai même pas atteint 100000 Fcfa. Estimez vous-même les pertes. J’ai fait deux jours sans ouvrir mon commerce. J’ai des charges et des employés à payer vraiment c’est déplorable », confie-t-il.
Comme lui de nombreux commerçants de la ville de Yaoundé sont aux abois. Les salons de coiffure, les ateliers de couture, les pressings, les boîtes de nuits, etc… tous subissent la crise
post-électorale. « Je vais au marché, je n’arrive même pas à écouler mes produits. Le marché est très difficile. S’approvisionner même devient difficile puisque tout le monde a peur, les producteurs, les commerçants, les clients c’est le chaos ont en peut plus. Vivement que ces troubles s’arrêtent rapidement », scande Hermine Bette, visiblement en colère. Si la situation perdure, automatiquement, il y aura des pénuries, en commençant par le carburant, et puis les denrées alimentaires de première nécessité, précise-t-il. Face à l’incertitude de la situation politique, les chefs d’entreprises sont inquiets. « C’est un désastre, surtout pour nous, les petites startups. Le tissu des PME était déjà très fragile, là, tout est à l’arrêt, c’est un manque à gagner complet. L’inquiétude est extrêmement forte, aussi bien pour nos employés que pour nos partenaires. Il est impossible d’effectuer des livraisons à l’heure où on se parle, et c’est le principal revenu de nos chauffeurs qui sont déjà très précaires », déplore Zephirin Jiogo, directeur général de la startup camerounaise Digital Mobility, en charge de transport de personnes et de livraisons. La plupart des entreprises n’ont que très peu de trésorerie. Un représentant du patronat s’inquiète, les « défauts de paiement arriveront vite »,
dit-il.
Dans un communiqué de presse rendu public ce 29 octobre 2025, le ministre du Commerce, Luc Magloire Mbarga Atangana, invite d’ailleurs les opérateurs économiques à reprendre
sereinement et « sans délai » leurs activités. Il assure que toutes les dispositions sont prises par les autorités compétentes pour garantir la sécurité des biens et des personnes sur l’ensemble du territoire national. A l’adresse des populations, le ministre du Commerce rappelle que les stocks des produits de grande consommation sont en quantité suffisante pour couvrir la demande des ménages au moins jusqu’à la fin du 1 er trimestre 2026, voire au-delà-. Apprend-t-on. Il n’y a par conséquent pas lieu de nourrir selon le ministre du Commerce la moindre crainte, ni de céder à une quelconque panique, diversion ou intimidation.
Par Rosine Ntolo


