Les tests de langue suédoise et de civisme, qui doivent devenir obligatoires pour obtenir la citoyenneté en Suède, risquent d’être retardés de deux ans.
Selon les médias suédois, les agences gouvernementales concernées estiment désormais qu’il sera impossible de lancer les épreuves dès août 2026.
Contexte politique et origine du projet
- En février 2025, le Conseil suédois pour l’enseignement supérieur (Universitets- och högskolerådet, UHR) a reçu pour mission de mener une étude de faisabilité (“förstudie”) pour mettre en place ces tests.
- L’objectif du gouvernement est double : rehausser le statut du citoyen et encourager l’intégration en s’assurant que les nouveaux citoyens maîtrisent le suédois et comprennent les structures de la société suédoise.
- Dans sa proposition, le gouvernement fait valoir qu’avoir des connaissances linguistiques et civiques est fondamental pour participer pleinement à la vie démocratique : “sans de telles compétences, il est difficile de comprendre ses droits, mais aussi ses obligations.”
- Cette réforme s’inscrit dans une tendance : de nombreux pays européens exigent déjà des tests similaires pour la naturalisation.
Le projet a été soutenu notamment par des partis qui estiment que le citoyen doit “mériter” son appartenance, via la langue et la connaissance du système social suédois. (Ceci s’inscrit dans la droite politique qui voit ces critères comme des leviers d’intégration.)
Selon l’agence de presse suédoise TT, l’Universitets- och högskolerådet (UHR), chargé de leur mise en place, a déclaré qu’il lui serait impossible de respecter la date envisagée d’août 2026.Le quotidien national Aftonbladet rapporte que les universités, notamment Stockholm et Göteborg, qui ont reçu le mandat de développer ces épreuves, critiquent vivement ce calendrier trop serré et affirment que la création d’un test fiable et scientifiquement validé nécessite au moins trois ans.
Selon UHR, aucun test en suédois ne pourra être prêt à temps, et Stockholm université estime qu’un examen ne pourra être développé avant l’automne 2028, toujours d’après TT. Pour la partie civisme (“samhällskunskap”), UHR juge qu’un seul passage pourrait néanmoins être organisé en 2026, mais de manière très limitée, selon Göteborgs-Posten citant un rapport de l’agence.
Certains recteurs d’université estiment que confier des missions politiquement sensibles (comme la “création d’un test de citoyenneté”) à des institutions universitaires pourrait mener à une emprise politique sur l’éducation.
Les vice-recteurs rejettent le mandat comme étant “purement politique” : Hans Adolfsson, vice-chancelier de l’Université de Stockholm, explique à Universitetsläraren qu’une université ne devrait pas assumer une telle mission car cela sort de son cœur de métier, et cela menace l’indépendance académique, selon lui. Le même journal note que Malin Broberg, vice-chancelière de l’Université de Göteborg, souligne que la courte échéance compromet à la fois la fiabilité scientifique et l’éthique du test.
La direction nationale de l’enseignement secondaire, Skolverket, de son côté, a émis des réserves : dans un avis officiel, elle rejette l’idée de simplement produire un manuel d’étude sans participer pleinement à la conception du test, arguant que la cohérence entre le matériel pédagogique et les épreuves est essentielle pour garantir leur fiabilité.
Le ministre de la migration, Johan Forssell, insiste sur l’importance de ces tests pour renforcer la valeur du citoyen et encourager l’intégration linguistique et civique.
Impact pour les demandeurs de citoyenneté
- Pour les personnes en cours de demande de citoyenneté, ce retard pourrait prolonger l’incertitude : celles qui s’attendaient à passer le test dès 2026 devront probablement attendre plus longtemps.
- Il y a un risque que certaines demandes ne soient pas traitées selon les nouvelles règles : selon The Local, les changements pourraient ne pas s’appliquer rétroactivement, mais cela dépend des choix législatifs finaux.
- Pour les demandeurs, le coût des tests (quelques milliers de couronnes) peut être un obstacle, surtout si plusieurs tentatives sont nécessaires.
- D’un point de vue intégration, ces tests pourraient cependant motiver davantage les candidats à renforcer leur suédois et à mieux comprendre la société suédoise, ce qui peut favoriser une participation civique plus active.
Analyse et enjeux
- Équilibre entre ambition politique et faisabilité technique
Le projet reflète une ambition politique forte : redéfinir le sens du citoyen suédois en exigeant des compétences linguistiques et civiques. Mais la réalité logistique conception, validation, tests montre que ces ambitions doivent être tempérées. - Crainte d’une pressurisation académique
Le débat autour du rôle des universités est central : jusqu’où l’État peut-il “ordonner” aux institutions académiques de produire des outils pédagogiques ou d’évaluation pour des objectifs politiques ? Certains chercheurs soulignent le risque d’érosion de l’autonomie académique. - Intégration vs barrière
Si ces tests sont bien conçus et accessibles, ils peuvent devenir un outil d’inclusion, en assurant que les nouveaux citoyens ont une compréhension minimale du suédois et des institutions. Mais s’ils sont trop coûteux, trop difficiles ou mal calibrés, ils risquent de devenir un obstacle pour des populations déjà vulnérables. - Calendrier politique
Le report soulève des questions sur la priorité politique accordée à ce projet. Le gouvernement, malgré ses intentions, pourrait être amené à revoir ses ambitions si le développement des tests prend plus de temps que prévu.
Les tests : format, contenu et objectifs
- Les épreuves vont se faire en deux étapes. Selon le mandat donné à l’UHR, la première phase comprendra :
- un test de compréhension écrite (lire) en suédois,
- un test de compréhension orale (écouter),
- un test de “samhällskunskap” (connaissances de la société suédoise).
- Les tests de production (écriture et expression orale en suédois) doivent venir dans un second temps ils demandent plus de préparation.
- En ce qui concerne les coûts, l’enquête initiale proposait : ~ 2 000 couronne soit 200 euros pour le test de suédois, et ~ 500 couronnes soit 50 euros pour le test de civisme.
- Concernant le niveau linguistique, le projet d’enquête envisageait un niveau équivalent au niveau A2 du CECR (“Cadre européen commun de référence pour les langues”) pour certains aspects, notamment le vocabulaire de base lié aux institutions.
- Les contenus du test de civisme (“samhällskunskap”) couvriraient des thèmes variés : droits et devoirs, le système de welfare suédois, la participation démocratique, le rôle des médias, la santé, la vie familiale, etc.
- D’après un article du Local, une proposition plus récente inclut également : la religion, les droits de l’enfant selon la Convention des Nations Unies, et le rôle des médias dans la société.
- Il est prévu que les résultats des différents modules soient valables indéfiniment pour certaines composantes, selon les propositions.
Le contexte de cette réforme est politique : le gouvernement, soutenu par les Démocrates de Suède (Sverigedemokraterna), souhaite renforcer les critères d’intégration en imposant des connaissances linguistiques et civiques. Mais la critique monte face à la pression du temps et aux risques d’un test mal conçu.


