Chaque mois de décembre, l’Europe du Nord devient l’épicentre de la reconnaissance mondiale. À Stockholm comme à Oslo, les prix Nobel célèbrent la science, la littérature, l’économie et la paix. Mais pourquoi ces distinctions, parmi les plus prestigieuses au monde, sont-elles remises dans deux pays différents ? La réponse se trouve dans l’histoire commune et singulière de la Suède et de la Norvège.
À l’origine, une union royale oubliée
Lorsque Alfred Nobel rédige son testament en 1895, la géographie politique de la Scandinavie est bien différente de celle que nous connaissons aujourd’hui. La Suède et la Norvège forment alors une union politique placée sous l’autorité d’un même roi.
Cette union, née en 1814, repose sur un équilibre délicat : deux royaumes distincts, dotés de leurs propres institutions, mais liés par une couronne commune et une politique étrangère partagée. C’est dans ce contexte qu’Alfred Nobel conçoit son héritage sans imaginer qu’il façonnera durablement la diplomatie symbolique de la région.
Le choix norvégien de la paix
Dans son testament, Nobel est précis.
Il confie :
- les prix de physique, chimie, médecine et littérature à des institutions suédoises ;
- le prix Nobel de la paix à un comité de cinq membres désignés par le Parlement norvégien.
Pourquoi la Norvège ? Les historiens avancent plusieurs explications. À la fin du XIXᵉ siècle, la Norvège jouit d’une image plus pacifiste, moins marquée par les ambitions militaires et industrielles. Son Parlement est également perçu comme plus indépendant du pouvoir monarchique un point essentiel pour un prix censé récompenser l’action en faveur de la paix entre les peuples.
Ce choix reflète aussi la volonté de Nobel d’instaurer un équilibre politique entre les deux royaumes de l’union.
1905 : la séparation sans rupture
Dix ans après la mort d’Alfred Nobel, l’histoire s’accélère. En 1905, la Norvège se sépare pacifiquement de la Suède et devient un État indépendant. L’union prend fin, mais une décision s’impose rapidement : le partage des prix Nobel restera inchangé.
La Suède conserve les cérémonies scientifiques et littéraires à Stockholm. La Norvège continue de décerner le prix Nobel de la paix à Oslo. Le testament de Nobel est respecté à la lettre, malgré la nouvelle réalité politique.
Une tradition devenue symbole
Aujourd’hui, cette répartition est bien plus qu’un héritage administratif. Elle est devenue un symbole fort de coopération nordique, rappelant que deux nations peuvent se séparer sans guerre, sans rupture diplomatique, et continuer à porter ensemble un message universel.
Chaque année, lorsque le prix Nobel de la paix est remis à Oslo, l’histoire scandinave résonne en filigrane : celle d’un choix fait au nom de l’équilibre, de la confiance et de la paix exactement ce que ce prix incarne.
Le partage des prix Nobel entre la Suède et la Norvège est le fruit d’un testament rédigé à l’époque d’une union royale, maintenu après une séparation pacifique, et transformé avec le temps en tradition internationale unique.


