Le sud et l’est de la Norvège connaissent un début d’hiver exceptionnellement doux et humide, qui compromet l’ouverture de plusieurs domaines skiables et interroge la résilience d’un secteur fortement dépendant de la neige naturelle et de la neige de culture. Les données météorologiques récentes et les déclarations des acteurs locaux pointent vers une tendance plus large liée au réchauffement climatique, tandis que les grandes stations hautes et le nord du pays restent pour l’instant moins touchés.
Un constat météo sans équivoque
Mi-décembre, Oslo a enregistré une nuit de décembre parmi les plus chaudes jamais mesurées sur la station de Blindern — la température n’y est jamais descendue sous 8,0 °C lors de la nuit signalée, un événement exceptionnel pour une période où l’on attend normalement des températures négatives. Ce type d’anomalie météorologique n’est pas isolé et s’inscrit dans une saison marquée par des températures largement supérieures aux normales saisonnières dans le sud du pays.
Sur le plan climatologique, les séries d’observation de l’Institut météorologique norvégien montrent une augmentation sensible des températures moyennes entre les normales historiques (1961–1990 et 1991–2020), une tendance qui se traduit localement par moins de jours de gel et davantage d’épisodes pluvieux en période hivernale. Ces changements affectent directement la probabilité d’occurrence d’un « Noël blanc » dans les plaines du sud et de l’est.
Impact immédiat sur les stations : ouverture retardée et pistes limitées
Les stations de taille modeste, souvent positionnées à des altitudes intermédiaires, sont les premières victimes du redoux : pistes incapables d’ouvrir, remontées mécaniques peu utilisées, et pertes de réservation en hébergement et restauration. Certaines exploitations indiquent n’être en mesure d’ouvrir que des pistes d’initiation ou une fraction réduite de leur domaine une configuration qui suffit rarement à couvrir les coûts fixes d’exploitation en haute saison. (Voir les retours locaux et annonces d’exploitation pour des cas concrets).
En revanche, les domaines situés en altitude et les grands massifs (Hemsedal, Trysil, Hafjell, Oppdal, etc.) ont bénéficié d’épisodes de froid et de chutes de neige leur permettant d’ouvrir davantage de pistes Hemsedal, par exemple, a rapporté des quantités de neige significatives la semaine dernière, assurant pour l’instant des conditions plus favorables pour les visiteurs.
Pourquoi la neige de culture ne suffit plus
La neige artificielle est souvent présentée comme la parade technologique aux aléas naturels. Mais sa production dépend de conditions thermodynamiques spécifiques : il faut des températures suffisamment basses et souvent de faibles précipitations liquides pour permettre la congélation des microgouttes projetées par les canons. Quand les températures restent largement positives et que la pluie remplace la neige, l’efficacité et la rentabilité de la neige de culture sont fortement réduites et les coûts énergétiques et hydriques augmentent. Les stations de basse et moyenne altitude font donc face à une double contrainte : techniques et financières.
Adaptations en cours : investissements et stratégies de court terme
Les exploitants multiplient les réponses opérationnelles et stratégiques pour limiter les dégâts et préparer l’avenir :
- Optimisation des canons à neige : modernisation des réseaux hydrauliques et acquisitions de systèmes plus efficaces toutefois, ces investissements exigent des capitaux importants et ne résolvent pas la dépendance à des températures négatives.
- Stockage de neige (snow farming) : accumulation de neige pendant les périodes froides et couverture isolante (p.ex. toile) pour prolonger sa disponibilité. Méthode adaptée pour sécuriser les pistes clés au démarrage, mais limitée en volume et très coûteuse.
- Diversification des activités : développement d’offres « quatre saisons » (randonnées, VTT, spa, événements culturels) pour réduire la pression sur le seul produit ski. Les grandes stations, mieux capitalisées, accélèrent cette transition.
- Gestion énergétique et hydraulique : planification de l’usage de l’eau et recours à des gestionnaires d’énergie pour contenir les coûts liés à la fabrication de neige.
Ces mesures atténuent certains risques opérationnels à court terme, mais n’effacent pas la contrainte physique qu’impose un climat plus chaud.
Conséquences économiques et sociales, en particulier pour les petites stations
Les petites stations jouent un rôle social et économique local : emploi saisonnier, clientèle familiale, maintien de services en zones rurales. Leur modèle repose sur un taux d’occupation élevé en période hivernale. L’impossibilité d’ouvrir à plein régime a des effets immédiats (annulations, perte de chiffre d’affaires) et potentiellement durables (désinvestissement, fermeture). Le débat s’installe autour de l’utilité d’investir massivement dans la production de neige artificielle versus se réorienter définitivement vers des modèles touristiques moins dépendants de la neige.
Réponse institutionnelle et scientifique
Les services météorologiques et les climatologues rappellent que la variabilité météo existe, mais que la direction du changement (plus d’épisodes doux, diminution des jours de gel) est cohérente avec le réchauffement anthropique observé à l’échelle nationale et régionale. Des études et rapports nationaux fournissent déjà des bases pour la planification à moyen terme, invitant collectivités et opérateurs à intégrer la résilience climatique dans leurs décisions d’investissement.
Que peuvent faire les exploitants et les autorités ? (pistes opérationnelles)
- Évaluer la rentabilité réelle des investissements en enneigeurs : analyses coûts/bénéfices sur la durée de vie des équipements en tenant compte de scénarios climatiques.
- Soutenir la diversification locale : subventions ciblées pour aider les petites stations à développer des activités hors-ski et attirer une clientèle tout au long de l’année.
- Renforcer la gouvernance de l’eau et de l’énergie : prioriser les usages et améliorer l’efficacité pour réduire l’empreinte locale de la neige artificielle.
- Planification territoriale : envisager la reconversion progressive des sites les plus exposés et favoriser la coopération interstations (mise en commun d’infrastructures, marketing régional).
- Transparence et communication : informer clairement les clients sur les conditions et les alternatives (départs vers le nord / massifs plus élevés) pour limiter frustration et dommages réputationnels.
À court terme, des poches de bon enneigement subsisteront principalement en altitude et dans le nord ce qui sauvera partiellement la saison touristique. À moyen et long terme, la durabilité du modèle « tout-ski » dans les basses altitudes reste incertaine ; les choix d’aujourd’hui (investir dans la protection du modèle actuel versus accélérer la diversification) détermineront le paysage des stations norvégiennes de demain. Les décideurs locaux, en lien avec les chercheurs et le secteur privé, ont un rôle clé pour construire des trajectoires qui tiennent compte à la fois des réalités économiques et des limites physiques.
Témoignages et situations locales (sélection)
- Hemsedal : a bénéficié de chutes de neige significatives ces derniers jours et ouvre une large part de son domaine, ce qui illustre l’importance de l’altitude et des micro-conditions météo dans la résilience opérationnelle.
- Hallingskarvet et petites stations du sud : confrontées à des ouvertures partielles et à la difficulté de produire de la neige en continu quand les températures restent positives. Les acteurs locaux insistent sur le besoin d’un soutien ciblé.
Sources principales
- VG — reportages météorologiques et terrain (mildest december night / Oslo).
- Rapport et publications de l’Institut météorologique norvégien (analyses de normales et indices de température).
- Communications et observations scientifiques présentant les tendances d’évolution saisonnière en Norvège (conférences / abstracts).
- Communiqués et publications des exploitants (Skistar Hemsedal et autres), informations de terrain sur l’ouverture des domaines.
- Sites officiels de stations et fiches techniques (Hallingskarvet, Hemsedal).


