En quelques minutes seulement, le Bénin a vacillé entre stabilité et incertitude. Dans la matinée, un groupe de soldats, se réclamant du Comité Militaire pour la Refondation (CMR), est apparu sur la télévision nationale pour annoncer la destitution du président Patrice Talon et la suspension des institutions. Quelques heures plus tard, le gouvernement affirmait avoir « totalement maîtrisé » une tentative de coup d’État menée, selon lui, par un « petit groupe d’insurgés isolés ».
Entre ces deux récits opposés, un flou persiste. Et les questions sans réponse alimentent les spéculations.
Un putsch sans prise de pouvoir
Les putschistes n’ont jamais semblé contrôler les points névralgiques d’un coup d’État classique : bases militaires, palais présidentiel, infrastructures stratégiques, aéroport ou communications. Leur seul coup d’éclat : prendre brièvement le contrôle de la télévision nationale.
Cette faiblesse opérationnelle intrigue autant qu’elle interroge. S’il s’agissait d’un véritable coup d’État, pourquoi une préparation aussi minimale ? Et si l’action n’était qu’un geste de protestation spectaculaire, pourquoi se présenter comme un organe militaire organisé et structuré ?
Motivations floues, revendications disparates
Dans leur déclaration télévisée, les mutins ont dénoncé pêle-mêle la gestion sécuritaire du pays, les promotions jugées injustes au sein de l’armée, la marginalisation des soldats engagés dans le nord et une gouvernance « oppressive ». Des griefs qui font écho au malaise croissant face à l’insécurité jihadiste dans certaines régions, mais qui n’ont pas été confirmés par d’autres sources.
Le gouvernement, pour sa part, a rapidement présenté les insurgés comme un groupe marginal animé par des ambitions personnelles. Aucune preuve n’a été rendue publique pour appuyer cette version.
Une chronologie encore difficile à établir
L’un des aspects les plus opaques de l’événement reste la chronologie réelle des affrontements. Plusieurs témoignages évoquent des tirs dans certains quartiers de Cotonou, tandis que des axes auraient été temporairement bloqués. Aucun bilan officiel, ni en matière de blessés ni de dégâts matériels, n’a toutefois été communiqué.
De même, les identités exactes des mutins arrêtés n’ont pas été confirmées. Des sources laissent entendre que certains cadres supposément impliqués seraient toujours en fuite. Mais là encore, aucune liste exhaustive n’a été publiée.
Un coup dans un climat régional instable
Cette tentative intervient dans un contexte où l’Afrique de l’Ouest connaît une série de ruptures constitutionnelles : Mali, Burkina Faso, Niger, Guinée… La région est fragilisée par la montée des groupes armés, les tensions politiques et les réformes contestées.
Le Bénin, jusque-là considéré comme relativement stable, fait aussi face à une pression sécuritaire croissante dans sa partie nord. Des attaques attribuées à des groupes jihadistes ont mis à rude épreuve les forces armées et provoqué un climat d’inquiétude qui pourrait expliquer certaines frustrations internes.
Les grandes questions qui restent en suspens
Malgré les déclarations officielles, de nombreux éléments restent à clarifier :
- Qui étaient réellement les mutins ? Leur grade, leur influence et leurs soutiens restent difficiles à évaluer.
- Quelles ont été les motivations profondes ? Malaise au sein de l’armée, ambition politique, contestation de la gouvernance ou simple improvisation ?
- Le coup était-il réellement isolé ? L’absence d’informations sur de possibles soutiens civils ou militaires contribue au mystère.
- Pourquoi si peu de transparence ? Le gouvernement affirme maîtriser la situation, mais publie peu de données vérifiées, laissant le terrain fertile aux spéculations.
Un événement symptomatique d’un malaise ?
Qu’il s’agisse d’une tentative avortée par manque de soutien, d’un acte mal organisé ou du symptôme d’un malaise plus profond au sein de l’appareil militaire, l’épisode révèle une fragilité inédite dans un pays souvent présenté comme modèle de stabilité en Afrique de l’Ouest.
À l’heure actuelle, le Bénin se veut rassurant. Mais tant que les zones d’ombre demeurent, l’événement continue de susciter plus de questions que de certitudes.


