À quatre jours du scrutin présidentiel du 12 octobre 2025 au Cameroun, Paul Biya, président sortant et candidat du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC), s’est rendu mardi 7 octobre 2025 à Maroua, capitale de l’Extrême-Nord.
Une première communion entre le président Paul Biya et le peuple depuis le début du lancement officiel la campagne électorale. « Plus qu’une visite officielle » tel qu’annoncé par un message radio portée du ministère de la Défense (Mindef) ayant fuité en ligne, l’arrivée de Paul Biya à Maroua fait figure de test-vérité : vitrine sécuritaire, baromètre politique et bras de fer face aux ex-alliés Bello Bouba et Issa Tchiroma dans le septentrion.
De par son poids démographique et électoral, la région de l’Extrême-nord est l’objet de toutes les convoitises. Depuis son arrivée au pouvoir, Paul Biya en a « d’ailleurs fait une priorité » et a multiplié les séquences au Septentrion Extrême-Nord, Nord, Adamaoua , y lançant à plusieurs reprises ses campagnes, y tenant des meetings fédérateurs et y installant un récit d’attention prioritaire. Cette nouvelle visite est signe d’un nouvel engagement avec comme un leitmotiv : paix et stabilité, hydraulique villageoise, électrification rurale, désenclavement routier, soutien agropastoral, entrepreneuriat jeune.
Sur le plan concret, la relation s’est matérialisée par des dotations visibles « appuis aux communes, équipements scolaires et sanitaires, kits pour jeunes et groupements féminins, par des chantiers routiers et énergétiques mis en avant, ainsi que par des gestes présidentiels lors de crises locales », soulignait, le Dr Sali Babani, maire de la ville de Maroua, lors de son discours liminaire au meeting Paul Biya.
Ce tissage s’est doublé d’une politique d’« élévation » d’élites originaires du Grand Nord nominations dans l’administration, directions d’entreprises publiques, portefeuilles ministériels qui a servi de marqueur de représentation et de proximité. En 2018, Paul Biya y avait obtenu 89,21 % des suffrages exprimés, confirmant l’Extrême-Nord comme un bastion du RDPC. Revenir à Maroua dans la dernière ligne droite vise donc à réactiver ce contrat implicite : attention contre loyauté, protection contre stabilité électorale. La séquence intervient, de surcroît, après son retour au Cameroun le 1ᵉʳ octobre, à l’issue d’un « court séjour privé » en Europe entamé le 21 septembre une manière de recentrer la campagne sur sa personne, de dissiperles spéculations sur sa santé et faire taire « les affabulations et augures mensongers de certaines personnes », soutien Paul Biya dans son discours ce 7 octobre à Maroua.
Anciens alliés, nouveaux challengers : Bello Bouba et Issa Tchiroma
Le test de Maroua se joue aussi à l’aune d’une crise avec d’anciens partenaires devenus concurrents. Bello BoubaMaigari, chef de file de l’UNDP, dispose d’une implantation historique au Septentrion : réseaux de notabilités, maillage militant, capacité à agréger des fidélités au-delà d’un seul département. Issa Tchiroma, figure centrale à Maroua et dans le Diamaré, ancien ministre et porte-voix de majorités successives, conserve des relais denses élus locaux, opérateurs économiques, associations patiemment entretenus. Hier alliés de circonstance, aujourd’hui challengers, ils connaissent l’architecture locale de la loyauté : la valeur des dotations et des projets ciblés, l’effet performatif des symboles (présence présidentielle, honneurs militaires), le poids des équilibres entre chefferies, confessions, jeunesse et femmes.
Leur danger n’est pas nécessairement de renverser un rapport de forces, mais d’éroder des marges décisives, canton par canton, commune par commune. Trois leviers sont identifiés par les observateurs :
Mémoire militante : réveiller d’anciens réseaux et capter un vote « rappel » adossé à leur trajectoire politique.
Alternative de proximité : promettre des réponses mesurables aux doléances (routes praticables, forages fonctionnels, électrification, équipements sociaux).
Fragmentation utile : siphonner des voix dans des bassins stratégiques Maroua et sa périphérie, axes commerciaux, zones de transhumance , obligeant le RDPC à sur-mobiliser ailleurs pour compenser.
C’est dans ce contexte que la visite présidentielle prend sens : montrer que l’armature de loyautés tissée sur la durée présences réitérées, dotations, élévation d’élites reste plus puissante que les recompositions du moment.
Reste la question de l’exécution, toujours scrutée au Grand Nord : transformer l’addition de promesses et de symboles en améliorations tangibles pistes carrossables, classes équipées, postes de santé dotés, délestages réduits. À ce prix, la remobilisation recherchée peut tenir jusqu’au 12 octobre. Dans une région sensible et décisive, Maroua fait figure de test-vérité : vitrine sécuritaire, baromètre politique et bras de fer face aux ex-alliés Bello Bouba et Issa Tchiroma.
Par Rosine Ntolo


