Le gouvernement suédois propose une refonte majeure de la protection de l’enfance. Sous l’impulsion du Premier ministre Ulf Kristersson et de la ministre des Affaires sociales Camilla Waltersson Grönvall (M), la loi actuelle la LVU, qui encadre les placements d’enfants en danger pourrait être remplacée par deux nouvelles lois plus strictes et plus étendues. L’objectif annoncé : protéger plus tôt, intervenir plus vite.
Deux nouveaux motifs de placement : l’honneur et la criminalité familiale
Au cœur du projet, deux situations jusqu’ici peu encadrées seraient désormais reconnues comme motifs de placement obligatoire :
- L’oppression liée à l’honneur : lorsque l’enfant vit dans un environnement où pèsent menaces, contrôle social strict, restrictions de liberté ou pressions familiales liées à l’honneur.
- L’exposition à la criminalité : lorsque l’enfant grandit dans un foyer où la criminalité — notamment liée aux gangs — est présente, encouragée ou normalisée. Cela inclut la présence d’armes, de drogues ou l’implication directe de membres de la famille.
Ces deux critères permettraient aux autorités d’intervenir même sans violence manifeste, en se basant sur l’environnement jugé dangereux.
« Lex Lilla hjärtat » : quand l’attachement devient un critère juridique
La réforme introduit un changement très attendu par les associations et les travailleurs sociaux : la possibilité de prendre en compte l’attachement d’un enfant à sa famille d’accueil.
Autrement dit, si un enfant a passé une longue période dans un foyer stable, ce lien affectif pourrait peser dans la décision de maintien, même si les parents biologiques réclament son retour.
Camilla Waltersson Grönvall évoque une avancée rendue urgente par l’affaire de la fillette surnommée « Lilla hjärtat », morte après avoir été rendue à ses parents malgré les alertes des services sociaux. Pour la ministre, cette réforme est « la Lex Lilla hjärtat en pratique ».
Une réforme qui suscite espoirs… et inquiétudes
Les soutiens du texte y voient un outil essentiel pour protéger les enfants avant que les drames ne surviennent. Ils soulignent que les services sociaux manquent parfois de base légale pour intervenir dans des situations à risque.
Mais la réforme soulève aussi des critiques :
- Risque de subjectivité dans l’évaluation de “l’oppression d’honneur” ou du “risque de criminalité”.
- Crainte de stigmatisation de certaines familles déjà fragilisées socialement ou culturellement.
- Débat sur les droits parentaux, certains estimant que la balance pourrait trop pencher vers l’État au détriment des familles.
Un long processus législatif encore à venir
La proposition doit maintenant être soumise à une large consultation avant d’être examinée par le Conseil législatif. Le texte pourrait encore évoluer, être amendé ou remodelé en profondeur.
Pour le gouvernement, c’est une étape décisive vers une protection renforcée. Pour la société suédoise, c’est le début d’un débat complexe sur les limites de l’intervention publique dans la vie familiale.


