Sous les lumières tamisées du London Pub, ce bar chargé d’histoire au cœur d’Oslo, l’air vibrait d’une émotion rare. C’est là dans ce lieu symbole de résistance, de joie et de mémoire pour la communauté LGBTQ+ norvégienne que l’Église luthérienne de Norvège a choisi de poser un geste que beaucoup n’osaient plus espérer : présenter ses excuses officielles aux homosexuels pour des décennies de rejet et de blessures silencieuses.
Devant un public mêlant fidèles, militants et simples curieux, l’évêque Olav Fykse Tveit, primat de l’Église, s’est avancé. Sa voix, à la fois grave et vibrante, a rompu le silence :
« L’Église de Norvège a infligé la honte, de graves torts et de la douleur aux homosexuels. Cela n’aurait pas dû se produire. Aujourd’hui, je leur dis : pardon. »
Des mots simples, mais lourds d’un passé trop longtemps nié.
Pendant des décennies, cette Église qui demeure la plus influente du pays, représentant plus de 60 % des Norvégiens, soit environ 3,4 millions de membres a systématiquement exclu les personnes homosexuelles de ses fonctions et de ses bénédictions. On leur refusait le mariage religieux, on leur interdisait l’accès au ministère pastoral. Certains ont perdu leur foi, d’autres, leur famille. Beaucoup ont vécu dans le silence.
En choisissant le London Pub pour ce moment de vérité, l’institution religieuse ne pouvait envoyer message plus clair : la réconciliation passe par le retour au cœur battant de ceux qu’elle a blessés. Ce bar, théâtre d’innombrables nuits de fête et de lutte, fut aussi le lieu d’un attentat meurtrier en 2022, où deux personnes avaient perdu la vie à la veille de la Marche des fiertés d’Oslo.
C’est là que le pardon a été prononcé.
Un pardon tardif, mais sincère.
Un pardon prononcé là où la foi et la douleur s’étaient longtemps tourné le dos.
« Cette discrimination, ces différences de traitement et ce harcèlement ont conduit beaucoup à perdre leur foi », a encore reconnu l’évêque.
Jeudi soir, pour la première fois, la lumière des cierges semblait rejoindre celle des néons.
Et dans le brouhaha du bar, entre applaudissements et larmes contenues, on a cru sentir une brise nouvelle souffler sur l’Église norvégienne : celle d’une foi enfin réconciliée avec l’amour.


